La mémoire des « monuments d’eau » du domaine royal de Meudon
Michel Le Tellier, marquis de Louvois, réalise entre 1680 et 1682 un réseau hydraulique en forêt au service de son château de Meudon, construit comme un « Versailles en miniature ».
Tout comme son illustre et royal voisin, le domaine de Meudon a soif d’eau pour satisfaire le dessein de Louvois qui est de créer un monumental décor liquide vertical grâce aux jets d’eau, avancée technique des hydrauliciens italiens.
A cette noble fin, le réseau créé récupère l’eau de pluie par drainage, elle est ensuite acheminée via des rigoles (40 km) et aqueducs (4.500 m) vers quatre étangs-réservoirs pour stockage.
Suite à la Révolution, le domaine souffre de son manque d’entretien et sombre inexorablement dans près de plus de deux siècles d’oubli avec d’irréversibles dégradations du fait de l’urbanisation du plateau de Vélizy-Villacoublay.
L’ARHYME
Sous l’impulsion M. Jean MENARD, l’association pour la restauration du réseau hydraulique du domaine royal de Meudon (ARHYME) est créée en 2003. Elle assure la sauvegarde de ce qui peut être sauvé d’un patrimoine remarquable et oublié du plateau forestier entre Vélizy et Meudon, à cheval sur les deux départements des Hauts-de-Seine et des Yvelines.
L’ARHYME effectue des travaux d’entretien du réseau, de restauration d’ouvrages, de mise en place d’une signalétique d’information en forêt et organise des rando-découverte des sites restaurés. Elle finance ces interventions avec l’appui de collectivités territoriales, de sociétés privées et de fonds propres par voie de souscription.
L’ARHYME en ligne : http://arhyme.asso.over-blog.com/
Le SMAGER remercie M. Pierre DURAND, actuel Président de l’ARHYME, pour le temps accordé et la passion qu’il sait faire partager pour la sauvegarde de ce patrimoine historique.
Le réseau impérial de Zaghouan - Carthage (Tunisie)
Construit au IIe siècle après J-C, suite à la sécheresse exceptionnelle des années 123 à 128, le réseau romain de Zaghouan - Carthage en Tunisie est unique dans tout le Maghreb de par son ampleur et de par sa complexité, tant technique qu’architecturale.
Ce réseau hydraulique est un chef d’œuvre de l’Antiquité qui démontre la maîtrise des techniques de construction. Il révèle aussi un savoir-faire dans le captage, l’adduction et le stockage de l’eau qui a contribué au développement urbain de l’époque.
Aqueduc du réseau d’amenée des eaux
Initié par l’empereur Hadrien, le réseau est constitué de trois ensembles reliés entre eux qui ont pour fonction d’alimenter en eau la nouvelle agglomération en développement, construite sur les ruines de l’ancienne cité phénicienne de Carthage, rasée à la suite des guerres puniques (246-146 av. J-C) :
Temple des eaux ou Nymphée de Zaghouan au pied du Djebel
Passage de l’aqueduc
Citerne romaine de Maalga à Carthage
La création du réseau a profondément marqué le paysage par les ouvrages d’art réalisés qui demeurent aujourd’hui et sont encore fonctionnels.
Deux sites de haute valeur archéologique sont remarquables sur le réseau. Ceux sont, à l’amont, le temple des eaux ou nymphéé, en hommage aux sources captées sur les massifs montagneux du Djebel Zaghouan et Djebel Djouggar, et, à l’aval, les thermes publics de Carthage dits thermes d’Antonin.
sources :
http://forez-jarez.fr/documents/Aqueduc_Carthage.pdf
http://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5685/
http://encyclopedie-afn.org/TUNISIE_HYDRAULIQUE
http://destination-tunis.fr/temple-des-eaux-et-aqueduc-zaghouan-carthage
Hadrien, Dossiers d'Archéologie, Ben Hassen (H.), n° 274 , p: 38-39, juin 2002.
Les rigoles du Dieu Soleil (Pérou)
Plusieurs siècles avant le réseau des étangs et rigoles pour nourrir les exigences en eau du Roi Soleil, des réseaux hydrauliques hors norme, qui n’ont pas encore révélé tous leurs secrets, ont été édifiés pour assurer le développement de la civilisation du Dieu Soleil ; c’est l’histoire de l’hydrau-Inca.
Pour l’essentiel situés sur la façade du Pérou ouvrant sur l’Océan Pacifique au pied des Andes, les vestiges des civilisations pré-Inca et Inca démontrent une maîtrise de l’hydraulique et du génie civil en vue d’une gestion soutenable de l’eau, ressource indispensable à l’essor des populations andines.
Ces ouvrages semblent avoir différentes fonctions.
Certains répondent à la vocation première de l’amenée de l’eau d’un point à un autre après avoir recueilli les eaux de pluies, dues aux fortes précipitations s’abattant sur la cordière des Andes suite au refroidissement des vents chargés d’humidité en provenance de l’Océan.
Ainsi, le canal de Cumbemayo (région de Cajamarca au Nord du Pérou) taillé dans la pierre à plus de 3.000 mètres d’altitude ou bien les canaux Nazca (région d’Ica au Sud du Pérou) sont la concrétisation de recherches afin de ralentir le débit de l’eau, en créant des encoches, ou bien en stockant cette précieuse ressource en amont pour pouvoir ensuite la redistribuer en fonction des besoins.
D’autres ont une vocation plus rituelle comme par exemple les temples de Chavin (région de Cuzco au Sud du Pérou, 1.500 à 300 av. JC) et de Tipon (région de Cuzco) qui sont constituées de terrasses avec des réseaux apparents ou souterrains dont certains pouvaient servir à impressionner les fidèles en créant des sons par les jeux d’eau.
Article rédigé avec l’aimable collaboration de Laurence Naffzger
GSAgua (Gestion Sostenible del Agua)
Alfred METRAUX, Les Incas, Editions du Seuil, Collection Points Histoire n° H66, p.56
« L’agriculture des terres hautes dépend dans une large mesure de l’irrigation, en raison de la durée de la saison sèche et de la rapide évaporation des eaux pluviales. Les Incas ont dû entreprendre des travaux hydrauliques […].
Ces canaux franchissaient les gorges sur des aqueducs en maçonnerie et passaient dans des tunnels creusés dans des éperons montagneux. A Cajamarca, un canal a été taillé dans la roche vive sur plus d’un kilomètre, et les ingénieurs ont donné à son cours une forme zigzagante pour ralentir le débit de l’eau. »
Pour aller plus loin :
(1) Les zones supérieures des bassins versants étaient entièrement végétalisées.
(2) Le long de la chaîne des Andes, existent une série de retenues de moyenne altitude, de capacité moyenne, dont l'objectif est de stocker l'eau de pluie. Leur capacité va de quelques centaines de milliers de m3 à près d'un million de m3. Ces retenues n'étaient jamais positionnées dans le lit des cours d'eau, afin d'éviter leur colmatage par les alluvions.
(3) Des observatoires solaires permettaient de suivre le rythme des saisons et les principaux événements de la communauté.
(4) Les zones habitées étaient localisées dans les parties hautes, loin de la force dévastatrice des fleuves et torrents.
(5) Il existerait au Pérou environ 1 million d'hectares de terrasses agricoles ou « andenes » héritées des peuples Inca et pré-Inca. Seuls 25% de ces superficies sont encore exploitées à ce jour. Il n'existe pas d'inventaire actualisé et fiable de ces ouvrages.
(6) Les systèmes d' « amunas », essentiellement présents dans la région de Lima, sont une pratique ancestrale de recharge des aquifères. Des canaux ouverts suivent les courbes de niveau, conduisant les eaux de pluie jusqu'à une dépression « cocha » où l'eau s'infiltre, afin de ressurgir plusieurs mois plus tard, pendant la saison sèche.
(7) Les résurgences sont favorisées par l'irrigation réalisée dans les parties hautes du bassin versant.
(8) Les vestiges de canaux sont innombrables, certains traversant les Andes et conduisant les eaux d'un bassin à un autre, présentant un meilleur potentiel agronomique ou drainant les eaux d'une source. Parmi ces canaux, certains sont spectaculaires, comme celui de Cajamarca, creusé dans la roche et présentant une architecture sinueuse, afin de diminuer la vitesse d'écoulement et de limiter l'érosion.
(9) Les berges des rivières étaient couvertes d'espèces forestières, ombrageant les cours d'eau, limitant l'évaporation et protégeant les terres en période de crue.
(10) Les waru waru sont des pratiques ancestrales communes dans l'altiplano, dans les zones inondables ou inondées. Elles consistent à remonter la terre en formant une plateforme où il est possible de semer. Les zones excavées, remplies d'eau, créent un microclimat qui tempère l'effet des gelées et permet le développement des cultures.
Il existe dans certains cas des systèmes de répartition des eaux ou « cochas » (11) : les canaux d’amenée d’eau se jettent dans un bassin de répartition, d’où partent les canaux d’irrigation.
Les canaux de Nazca (12) permettent de drainer les infiltrations des fleuves par des galeries souterraines et superficielles, en pierres sèches. Des regards en forme de spirale permettent leur maintenance et une entrée d'air maintenant un écoulement laminaire. Ces canaux, pour certains toujours utilisés à ce jour, après plus de 2000 ans de fonctionnement, sont la preuve d'une grande maîtrise du génie civil.
GSAgua : http://gsagua.com et http://hidraulinca.com
Inscription patrimoine UNESCO 1985, temple Chavin : http://whc.unesco.org/fr/list/330/